Durant mes premières années d'études, je suivais un parcours purement théorique (appelé 'Film Theory') dans lequel l'école de cinéma ne soutenait pas la production des films que les étudiants pouvaient espérer vouloir créer. Cette structure élitiste m'a encouragé à examiner d'autres avenues de création. J'étais alors jeune et sans moyens, mais j'étais très intéressé à l'idée de créer des « images divergentes » des codes visuels habituels. J'ai tenté plusieurs expériences durant cette période, sous la forme de mes premiers carnets vidéo.
À cette époque déjà je sortais presque chaque soir avec ma caméra pour enregistrer des images dans ma ville natale, Mascouche. J'ai enregistré plusieurs tempêtes, des blizzards. Je possédais à l'époque une voiture qui me permettait d'installer un trépied et d'enregistrer des séquences en mouvement. J'ai développé un regard sur l'appareil cinématique lui-même et j'ai poussé les expérimentations plus loin. Par exemple, en disloquant la lentille du boîtier de ma caméra et en enregistrant à travers cette dernière une fois détachée. Un nouvel angle de vue complètement nouveau, cela m'intéressait.
L'enregistrement du film que vous vous apprêtez à visionner a donc été réalisé selon cette même technique. Avant même que je sache que j'allais créer ce film en lui-même, j'en tournais plusieurs. Il s'agit d'images documentaires que j'ai enregistré lors d'un voyage à l'ile Verte à peu près à la même période que lors de mes carnests vidéo, avec quelques intentions, cela est vrai.
Comme pour la majorité des projets qui suivirent, il y a un aspect existentiel, vital, imprévisible et improvisé à l'idéation et à la création de Chiens de la mer. Cela est autant vrai pour mes tableaux que mes films. Et à cette époque de mon exploration du cinéma, je ne ressentais pas beaucoup de barrières.
C'est un petit miracle qui m'a amené à concevoir le projet en lui-même. Il est survenu durant une des journées d'exploration de l'île. Après cet événement, je suis devenu convaincu qu'il fallait orchestré le reste d'un film, et l'impression d'un étrange voyage.
Je me tenais dans la basse marée, sur les roches mouillées qui forment la pointe de l'île Verte, lorsque je vis un, puis deux, trois, et encore davantage ; à vrai dire, des dizaines et des dizaines ; de véritables Êtres de l'eau.
Vous les verrez dans le film, ces chiens de la mer, mais rien ne pourra recréer l'expérience réelle de leur étranges moqueries, de leur présence.
Le film en lui-même est la réponse à une période trouble de ma vie, lors de laquelle je me séparai d'une personne qui fut très chère pour moi et qui apparait dans le film. Il s'agit donc d'une reminescence de cette période, de ce voyage qui s'efface loin dans l'érosion du temps.
La marée commençait à monter. Les phoques eux, m'entouraient. Certains sur des rochers, d'autres bercés d'haut en bas par le tumulte des vagues.